mercredi 16 mars 2011

Masques et Tsunami

Au vue des événements qui se déroulent aujourd’hui dans le nord du Japon
En ces temps d’inquiétude et de désarroi face à d’inéluctables catastrophes dues à la nature mais rendues pire par l’inconséquence des hommes, je m’interroge sur la place du masque ?
Cela vous paraîtra sans doute dérisoire, mais il n’est pas de mauvais bord pour traduire son angoisse et sa colère.
A l’aube de l’humanité, le masque incarnait les mystères de la nature qui effrayaient les hommes. Pour conjurer leur peur ceux-ci revêtaient leurs visages du symbole des forces qui les écrasaient.
Le dragon asiatique n’est autre que l’image des méandres du fleuve Destructeur lorsqu’il sort de son lit et Bienfaiteur quand il irrigue les champs. L’hideuse bête cornue, la maladie qui emporte sans discernement le méchant et la mère adorée. Quel plus grand mystère, quelle plus grande émotion que celle suscitée par le masque du spectre de la mort dans le Noh japonais ?
Face au malheur, au cataclysme naturel l’homme n’a d’autre défense que la représentation. Rejouer sans cesse le drame du destin aveugle qui frappe l’innocent. La tragédie grecque n'est-elle pas masquée ?
Le théâtre de masque est autrement mieux armé que le drame bourgeois pour  faire face aux catastrophes humaines. Les petites magouilles des bidouilleurs politiques et économiques, les apprentis sorciers qui font des économies sur la sécurité et des profits sur la mise en danger de centaines de milliers de personnes représentés par de simples acteurs au dialogue ne pourront jamais atteindre la force d'émotion engendrée par les grandes catastrophes. Il faut une présence sur-humaine, des représentations puissantes, des images chocs, seul le  théâtre masqué peut approcher cette dimension de jeu.
J’aimerai dire que sur une scène, seul le masque est capable de synthétiser un  drame de l’ampleur d’un tremblement de terre ou d’un tsunami et  en donner une image dont la charge émotionnelle est à la mesure du drame de la vie. 
Les visages du "Guernica" de Picasso ne sont-elles pas plus parlant que les images du drame lui même ? On peut se poser la question et la réponse reste ouverte.