jeudi 7 avril 2011

Le MASQUE EN CHINE


Me voilà de nouveau sur le départ pour la Chine du sud à la recherche de ces fameux théâtres masqués qui disparurent pendant la révolution culturelle et sont censés refaire  lentement surface aujourd’hui.
Pour l’instant je regarde avec attention et fébrilité les images du livre que j’ai trouvé lors de mon dernier séjour à Pékin. Ces masques sont de facture rustique je ne dirais pas grossière car la sculpture est très travaillé, le travail de la peinture est plus sommaire. Mais pourquoi ? je ne crois pas à un manque d’habileté du facteur de masque. Les artisans chinois sont depuis bien longtemps capable de perfection et leur connaissance en matière de laque est légendaire.
Bien sûr beaucoup de ces anciens masques ont été endommagés par le temps mais ce n’est pas la seule raison. Ces masques ne sont pas réalistes, ils ont pour la plupart des expressions d’au delà de… et la couleur fait partie d’une magie qui m’échappe,  et peut-être qui échappe aussi aux artisans d’aujourd’hui ; j’en veux pour preuve ces masques bien léchés que l’on trouve dans les boutiques pour touristes comme celui-ci reproduit ci dessous.


Nous savons bien que le masque est le représentant du mystère, de l’inconnu, on lui donne donc toutes les formes de l’enfer ou du paradis avec les « trucs » du diable  - les yeux qui tournent, la mâchoire qui se décroche - ou la beauté des anges et puis au milieu il y a quelques hommes mal affûtés.
Je me doute trop bien que les cérémonies n’existent plus aujourd’hui, la magie à pris d’autres chemins médiatiques beaucoup moins authentiques. 

Mais j’ai le secret espoir de trouver, peut-être dans certaines régions encore très isolées, le rite de passage de la cérémonie d’hier à la représentation d’aujourd’hui.
La suite donc au prochain numéro.
Je profite de mon voyage pour animer un stage de théâtre masqué à Pékin où curieusement pratiquement personne ne connaît l’existence de ces rituels masqués du sud. L’opéra a tout caché de ses origines qui ont pourtant données aussi le Noh et toute la tradition japonaise. 

mercredi 16 mars 2011

Masques et Tsunami

Au vue des événements qui se déroulent aujourd’hui dans le nord du Japon
En ces temps d’inquiétude et de désarroi face à d’inéluctables catastrophes dues à la nature mais rendues pire par l’inconséquence des hommes, je m’interroge sur la place du masque ?
Cela vous paraîtra sans doute dérisoire, mais il n’est pas de mauvais bord pour traduire son angoisse et sa colère.
A l’aube de l’humanité, le masque incarnait les mystères de la nature qui effrayaient les hommes. Pour conjurer leur peur ceux-ci revêtaient leurs visages du symbole des forces qui les écrasaient.
Le dragon asiatique n’est autre que l’image des méandres du fleuve Destructeur lorsqu’il sort de son lit et Bienfaiteur quand il irrigue les champs. L’hideuse bête cornue, la maladie qui emporte sans discernement le méchant et la mère adorée. Quel plus grand mystère, quelle plus grande émotion que celle suscitée par le masque du spectre de la mort dans le Noh japonais ?
Face au malheur, au cataclysme naturel l’homme n’a d’autre défense que la représentation. Rejouer sans cesse le drame du destin aveugle qui frappe l’innocent. La tragédie grecque n'est-elle pas masquée ?
Le théâtre de masque est autrement mieux armé que le drame bourgeois pour  faire face aux catastrophes humaines. Les petites magouilles des bidouilleurs politiques et économiques, les apprentis sorciers qui font des économies sur la sécurité et des profits sur la mise en danger de centaines de milliers de personnes représentés par de simples acteurs au dialogue ne pourront jamais atteindre la force d'émotion engendrée par les grandes catastrophes. Il faut une présence sur-humaine, des représentations puissantes, des images chocs, seul le  théâtre masqué peut approcher cette dimension de jeu.
J’aimerai dire que sur une scène, seul le masque est capable de synthétiser un  drame de l’ampleur d’un tremblement de terre ou d’un tsunami et  en donner une image dont la charge émotionnelle est à la mesure du drame de la vie. 
Les visages du "Guernica" de Picasso ne sont-elles pas plus parlant que les images du drame lui même ? On peut se poser la question et la réponse reste ouverte.